Quelques traitements d'images spécifiques aux comètes appliqués à C/1996 B2 Hyakutake

par Jean BALCAEN, Stéphane GARRO et David ROMEUF

Article paru dans le volume 110 - Octobre 1996 de l'Astronomie, Bulletin de la Société Astronomique de France SAF.


Le passage de la comète Hyakutake a été une occasion unique pour l'imagerie haute résolution. C'est en effet la première comète brillante observable depuis la démocratisation des caméras CCD au sein de la communauté des astronomes amateurs. Ce passage a donc été l'occasion de valider une fois de plus la puissance de ce détecteur moderne, au travers de l'analyse morphologique de la coma interne. C'est bien sûr grâce au traitement d'images que le spectacle du noyau a pu être mis clairement en évidence.


Sommaire


Introduction

La première phase de toute étude consiste bien sûr à obtenir la meilleure image brute. Il est fondamental d' obtenir le meilleur rapport signal sur bruit possible, donc de faire des poses suffisamment longues, sans pour autant saturer le centre de la comète, ce qui était rapidement le cas avec la brillante C/1996 B2 (Hyakutake). Cette dernière présentait par ailleurs la particularité d'être très proche de la Terre, et son déplacement apparent rapide limitait donc également le temps d' intégration, à moins bien sûr de pouvoir guider sur le noyau, soit manuellement grâce à un système de miroir réfléchissant ou un télescope en parallèle dénué de toute flexion différentielle, soit automatiquement en ajustant la vitesse de poursuite sur les deux axes.

En pratique, le plus simple était de faire des séries d' un nombre impair d'images (en vue d'en prendre la médiane Cf. § le compositage), de l'ordre de la quinzaine, aussi rapprochées que possible, car le noyau de Hyakutake tournait très rapidement sur lui-même (en 6 heures environ [1]).

Chacune des images est bien entendu prétraitée donc corrigée de la précharge, du noir et de la PLU. Il ne reste plus alors qu' à compositer l' ensemble des images recentrées sur le noyau afin d' obtenir l' image de travail sur laquelle nous allons appliquer les différents algorithmes.


Le compositage

Cette opération permet d' augmenter le rapport signal sur bruit (S/B) d'une série de n images de temps d'intégration t par rapport au S/B d'une image élémentaire. On augmente considérablement la détectivité mais elle reste néanmoins inférieure à celle d'une pose unique du même temps d'intégration n fois t, car le bruit de lecture de la caméra augmente d'un facteur racine carré de n. La pratique montre toutefois qu'il est préférable de fractionner une longue pose afin de s'affranchir des différents défauts du CCD, ou des rayons cosmiques par exemple.

Pour une comète qui se déplace rapidement devant les étoiles comme ce fut le cas avec Hyakutake, il faut profiter de l'occasion pour supprimer ces dernières. En effet, les traînées d'étoiles sont gênantes pour l'analyse et les traitements appliqués par la suite. Il serait assez difficile d' affirmer la présence de fragments cométaires au sein d'une nuée d'étoiles ou sur leurs traînées. La première méthode consiste à prendre l'image médiane des images préalablement recentrées sur le noyau de la comète. Une seconde méthode, moins systématique et réglable, connue sous le nom de "compositage en kappa-sigma" consiste à réaliser un compositage "intelligent" basé pour chaque pixel, sur la statistique de sa valeur de luminance obtenue sur toute la pile d'images. Concrètement, on commence par translater le noyau de la comète aux mêmes coordonnées sur toutes les images. Puis, pour chaque même pixel (x,y) de la "pile" d'images ainsi obtenue, on calcule la moyenne statistique et l'écart type des valeurs de luminance. Ne seront ajoutés ensemble, que les mêmes pixels (x,y) de la pile d'images dont les valeurs de luminance ne s'écartent pas de cette moyenne de plus ou moins k fois la valeur de l' écart type (k est un nombre généralement compris entre 1 et 5).

L'écart type des valeurs obtenues est ici un moyen d'estimer si la pile d'images contient une valeur aberrante, qu' il permet d' éliminer. L' opération de translation sur le noyau nous a permis de le "rendre fixe" aux mêmes coordonnées (x,y) sur toutes les images. Les étoiles qui se déplacent dans ce repère ne se situeront pas sur les mêmes pixels tout au long de la pile d'images. Leurs valeurs seront donc considérées comme aberrantes sur certaines images de la pile. On rejette dans le même temps les rayons cosmiques, les défauts cosmétiques...


Quelques méthodes spécifiques de traitement d' image

Les méthodes exposées dans cet article nécessitent l'obtention d' une image brute présentant le meilleur rapport signal sur bruit possible. Elles ne sont donc pas appliquées à une image unique de la comète, mais au résultat du compositage décrit dans la section précédente. Sur l' image de base, on devine tout au plus les structures les plus contrastées sur le fond uniforme de la chevelure cométaire. Afin de mettre en évidence les détails de la coma interne, il est donc nécessaire de s' affranchir de la brillante chevelure homogène (celle-ci présente, en fait, une décroissance radiale, mais on peut la considérer homogène sur le rayon d'étude de quelques minutes de degré qui nous intéresse ici).

Le gradient rotationnel

Influence du paramètre dr


Fig. 1. - Principe du gradient rotationnel : le paramètre dr permet de mettre en évidence les enveloppes de la chevelure.

Influence du paramètre dT


Fig. 2. - Principe du gradient rotationnel : le paramètre dT permet de faire ressortir les jets de la coma.

En conclusion


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Fig. 3. - Influence des paramètres dr et dT : l'image en haut et à gauche est l'image issue d'un compositage de 15 images de 2 secondes chacune de la comète C/1996 B2 (Hyakutake) prises le 28 mars entre 01 h52 et 02 h 11 UT, avec le T410 mm de la SCCA (focale portée à 6125 mm avec une lentille de Barlow, échantillonnage résultant 0.64 "/pixel) et une caméra Alpha 500. Elle montre peu de détails en dehors de la queue ionique et des deux fragments du noyau. Tout au plus devine-t-on les jets les plus brillants. Dans le cas particulier présenté ici, ce sont les valeurs dr = 0 et dT =10° qui mettent le mieux en évidence les structures de la coma.


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Fig. 4. - Série d'images de la comète Hyakutake prises le 24 mars au matin Chaque image est le résultat de l'application (logiciel Qmips32) du gradient rotationnel (dr = 0, dT = 18°) au compositage d'une série de 15 poses élémentaires de 2 secondes chacune, prises au foyer F/10 d'un télescope de 279 mm de diamètre (échantillonnage 1,4"/pixel) avec une caméra Alpha 500. Noter les variations très rapides dans le temps de l'aspect de la coma interne.


Ondelettes, masque flou

Le masque flou, la transformée en ondelettes

Le masque flou longitudinal

Le masque flou radial


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Fig. 5. - Illustration des techniques du masque flou : L'image ci-contre est une image brute de l'environnement du noyau de la comète Hyakutake le 28/03/96 vers 21 h UT. Elle résulte du compositage de 11 clichés CCD de l7 secondes de pose, en rejetant les traînées d'étoiles. Les trois images immédiatement en dessous sont de gauche à droite les masques flous : sans direction privilégiée (sur 11 pixels), avec un flou longitudinal (sur 26 pixels) et avec un flou radial (sur 65 pixels). En les soustrayant à l?image brute, ils nous permettent d'obtenir les masques des détails (immédiatement en dessous) à l 'échelle : au plus 11 pixels (les fragments et jets en cornes), au plus 26 pixels radiaux (les jets sur la partie ensoleillée, la chevelure) et au plus 65 pixels longitudinaux (les jets périodiques). Par comparaison, i1 est facile d?apprécier l? action de chaque masque. Le résultat reste moins spectaculaire que le gradient rotationnel mais il est d'une autre nature.


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Fig. 6. - Illustration de la transformée en ondelettes : L'image du coin supérieur gauche est l'image de base déjà utilisée pour la figure 5. Les images qui suivent sont les plans d'échelles d'ondelettes dont la dimension des détails croît d'un facteur 2 entre chacune d'elles. Au premier plan, le bruit de l'image est isolé. Au second, on commence à bien distinguer les fragments qui s'échappent du noyau de la comète (sans l'échelle du bruit). Dans les plans suivants, sont isolés les détails de plus grande dimension comme la chevelure et les jets périodiques du noyau (document : M. Gouttesolard, F. Guillaumont et D. Romeuf).


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Fig. 7. - Plans d'échelles d'ondelettes colorisés et superposés.


Autres approches

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Fig. 8. - Traitement de l'image de base de la figure 3 par la variante du masque flou (Cf § "Autres approches").


Conclusion

Grâce au traitement d' images, tout amateur doté d' une caméra CCD a désormais la possibilité d'obtenir de précieuses images de la chevelure interne des cométes brillantes. L' exemple récent du passage de la comète C/1996 B2 (Hyakutake) a permis d'en prendre conscience.

Paradoxalement, cette comète ne fut peut-être pas la plus représentative puisque ce n'est que tardivement, à partir du 24 mars et surtout vers la fin du mois, qu'elle a développé des détails nombreux et bien marqués. En d' autres termes, c'est sa très courte approche de la Terre qui l'a rendue intéressante, bien plus que son activité interne. C' est donc probablement sur d' autres comètes, plus actives, qu' il sera véritablement possible de mesurer l' apport révolutionnaire de la technologie CCD sur l' étude des comètes par les amateurs. La comète C/1995 O1 (Hale-Bopp) s'annonce très prometteuse et ce passage imminent sera sans conteste l'occasion de collecter un maximum d'images, à la fois belles et instructives !


Bibliographie

[1] - Détermination de la période de rotation de la comète C/1996 B2 (Hyakutake) au Pic du Midi, IAUC 6344 et 6354 : J.Lecacheux et al.

[2] - Coma morphology and dust-emission pattern of periodic comet Halley. I- High resolution images taken at mount Wilson in 1910, revue The Astronomical Journal, Volume 89, Number 4, April 1984 : S.M.Larson et Z.Sekanina.

[3] et [4] - Le masque flou en imagerie numérique, revue Pulsar n° 711 (novembre / décembre 1995) et 712 (janvier / février 1996) : David Romeuf.

[5] - Astronomie CCD, Christian Buil, édition SAP 1989.

[6] - Le guide pratique de l'astronomie CCD, Alain Klotz et Patrick Martinez, édition ADAGIO 1994.


Glossaire


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